Session : Archives militantes : le cas des archives LGBTQ et féministes

Déplacardisons nos archives ! Les archives LGBTQI+ en France

Par Patrick COMOY, Collectif Archives LGBTQI

Des projets d’archives LGBTQI+ (lesbiennes, gay, bi, trans, queer et intersexes) sont en pleine affirmation en France et au-delà. Leur développement témoigne d’une prise de conscience par ces communautés de l’importance de préserver et de transmettre leurs mémoires. Ces initiatives s’accompagnent de plus en plus d’une reconnaissance des pouvoirs publics et institutions patrimoniales.

Le collectif Archives LGBTQI+ est une émanation citoyenne qui milite depuis 2017 pour la création d’un centre d’archive et des mémoires LGBTQI+ qui devrait doit voir le jour prochainement à Paris. De tels lieux offrent de nouveaux regards sur les archives.

1- Les « communautés sources » revendiquent de gérer « leurs » archives, et d’en définir les contours (refus des distinctions classiques entre ce qui serait « patrimonial » et aurait la valeur d’être conservé, et des archives considérées comme « mineures » mais fondamentales par les communautés), et les épistémologies (mise en valeur d’une conception de l’archive « vive », qui refuse la sacralisation des artefacts et leur mise à distance du présent, qui valorise chacun.e comme foyer d’archive,…). Elles s’estiment légitimes pour proposer une autre forme d’expertise, située, accompagnée parfois d’autres pratiques, pour leurs archives; leurs approches de la collecte, du classement, de la valorisation, de toutes les étapes la chaine archivistique, peuvent agir comme un « trouble », et ouvrir à d’autres manière de voir et de faire.

2- Ce faisant, ces archives LGBTQI+, autonomes, apparaissent comme autant de révélateurs et (de nouvelles approches) pour toutes les autres archives notamment publiques. Les premières amènent les secondes à reconsidérer comment se sont constitués leurs propres fonds (archives de la répression, de la coercition, de l’action de l’État…), ce qu’ils contiennent et qui n’était pas analysé (par ex. au regard d’un thesaurus élargi aux concepts nécessaires pour des fonds LGBTQI+ ou de description spécifique), le statut d’expertise de l’archiviste professionnel.le et les modalités envisageables pour la valorisation.


 » Mes archives sont-elles queer ? « 

Par Bénédicte GRAILLES, Maîtresse de conférences en archivistique – Université d’Angers – laboratoire Temos (Temps, mondes, sociétés) CNRS-Fre 2015

Des besoins d’archivage et de communication spécifiques aux militant.e.s

La communication part de l’hypothèse, établie à partir de recherches autour du don et de la transmission d’archives, que les associations militantes et les activistes ont une définition des archives et une relation à la mise en archives singulières et en évolution d’où découlent des besoins et des demandes particulières. La publication des archives par la diffusion en ligne est d’ailleurs une forme contemporaine aboutie de l’action militante, le mot archives devant ici être pris dans son acception la plus large. Ces besoins spécifiques déterminent la géométrie des fonds, les documents confiés et la communicabilité. L’ ouverture des fonds à un public plus ou moins large est fonction du type de militantisme. Des logiques d’affiliation orientent le choix du lieu de conservation.
Suivant les configurations, les acteurs/actrices peuvent être mu.e.s par un besoin identitaire, voire communautaire, ou par un irrésistible élan de partage, un besoin de transmission intergénérationnelle. L’action d’archiver apparaît alors comme un militantisme continué.
Ces deux mouvements concomitants et/ou contradictoires – transmission et affiliation – ont diverses conséquences. Ces caractéristiques paramètrent les lieux de conservation, les traitements archivistiques, les modalités juridiques en fonction des degrés d’ouverture et de conformité idéologique.
La communication s’appuiera sur des études de cas, en particulier dans la sphère féministe et LGBTQ.